les 4 lacs des Korrigans en hiver
En décembre 1978, je suis parti aux Iles Kerguelen dans le cadre de la 29ème expédition scientifique organisée par l'organisme gérant ces territoires éloignés situés dans le sud de l'Océan Indien à proximité de l'Antarctique.
Au passage, j'ai fait une courte escale le 17/12/1978 à la base Alfred Faure sur l'Ile Crozet, juste le temps de saluer un manchot royal
la manchotière de la Baie du Marin au niveau de la base Alfred Faure la rencontre
(environ 100 000 manchots royaux en 1978)
... mais pas de faire de la radio ... dommage l'émission radio amateur depuis Crozet est extrêmement rare !.
L'archipel des Kerguelen fait partie des T.A.A.F (Terres Australes et Antarctiques Françaises) ; il s'agit d'un vaste groupe d'iles d'environ 7200 km2 situées au sud de l'Ocean Indien, à proximité du continent antarctique. Le climat est sub antarctique, caractérisé par une température moyenne d'environ + 4°C sur la base de Port aux Français située au niveau de la mer, des vents violents (150 km/h, voir plus ...) et une grande variabilité puisqu'une forte dépression passe dans les parages tous les 2 jours en moyenne.
Je faisais partie d'une équipe de 9 scientifiques et techniciens chargés de collecter des mesures concernant les phénomènes géophysiques, tels que les aurores australes, les signaux UBF/TBF artificiels et naturels, le champ magnétique et les rayons cosmiques. J'étais plus particulièrement chargé des mesures des signaux UBF et TBF, dont une description plus précise est donnée dans la page UBF TBF de ce site.
A cette époque le navire ravitailleur Marion Dufresne 1 visitait
les 3 bases du sud de l'Ocean Indien (Crozet, Amsterdam and Kerguelen) seulement 4 fois par an entre décembre et mars durant l'été austral.
Kerguelen est l'une des contrées les plus isolées du monde, à l'écart des voies de communication maritimes et aériennes :
Comme dans beaucoup de lieux isolés (les plus proches terres habitées sont l'Afrique du Sud et l'Australie à 3300 km), on trouve ce célèbre panneau indicateur au milieu de la base de Port-aux-Français ! :
Il fallait donc se débrouiller sur place pour réaliser la maintenance et l'amélioration des équipements qu'ils soient électroniques ou informatiques : une bonne école pour l'expérimentation et le bricolage !!
L'indicatif radioamateur FB8XV m'a été attribué, et j'ai découvert le trafic radio, vu depuis le côté de la station DX, car la présence de radioamateurs à Kerguelen est très rare, et la réalisation de contacts radio avec ce lieu est très recherchée par les radioamateurs du monde entier. Même si la plupart des liaisons étaient de courte durée, du fait de l'affluence, ... j'ai pu réaliser des liaisons beaucoup plus longues et amicales avec des stations situées sur le continent antarctique (soviétiques, japonnaises, américaine, argentine, chilienne, australienne, et française en Terre Adélie).
Vous trouverez ici un exemple de liaisons que je pouvais établir quotidiennement avec d'autres radio amateurs de la côte ouest des Etats-Unis et qui sont situés aux antipodes de Kerguelen (20 000 km de parcours). Les fréquences les plus favorables étaient comprises entre 14 et 28 MHz ; mon émetteur avait une puissance d'environ 100 watts, et les antennes étaient du type filaire "dipole", les seules qui pouvaient résister aux conditions météorologiques parfois violentes : vent, neige, glace.
Voici la photo de l'ensemble des hivernants de l'expédition; un radio amateur est caché dans le paysage; retrouvez le !!
Mon QSL manager était (et est toujours !) F5VU, Jean Brunner ; qu'il soit encore remercié pour son aide efficace. Nous recevons toujours quelques demandes de QSL 44 ans
après, auxquelles nous répondons avec plaisir.
En dehors de ces activités scientifiques, j'ai eu la possibilité de me déplacer sur l'archipel à l'occasion de longues randonnées pédestres, ou pour accompagner mes collègues biologistes.
A l'époque, ces sorties s'effectuaient en totale autonomie (pas de radio, pas de dépôt de vivres, peu d'abris permanents). J'ai pu ainsi découvrir toutes les beautés naturelles de ces contrées : les paysages,
Le mont Ross : point culminant des Kerguelen : 1850 m bivouac dans le Val Travers
la vie animale avec les oiseaux et les animaux marins, tels que les éléphants de mer et les différentes espèces de manchots qui séjournent sur les îles.
un gros éléphant de mer (un pacha) un peu colereux manchots royaux au cap Cotter
A propos de manchots, voici un enregistrement audio pris au milieu de la manchotière du Cap Ratmanoff, située à environ 25 km à l'Est de la base de Port aux Français. A l'époque les comptages avaient montré qu'il y avait plus de 400 000 manchots royaux. On entend les cris de manchots royaux, des éléphants de mer et le cri strident des sternes.
J'ai passé 16 mois sur l'archipel Kerguelen, ce qui a constitué pour moi une expérience personnelle, humaine et scientifique hors du commun.
J'ai beaucoup appris des relations humaines dans un groupe de 50 personnes vivant en totale autharcie pendant les 3/4 de l'année, avec le sentiment de vivre sur une autre planète, ou au moins très, très loin du monde habituel.
Comme tous mes collègues, nous avons été marqués par cette aventure ; et comme la plupart, j'en suis ressorti différent, et je pense ... en mieux !.
Lors du voyage de retour vers l'Ile de la Réunion, j'ai eu la chance de passer quelques heures sur l'Ile Saint Paul à proximité de l'Ile Amsterdam (FT5Z).
Il s'agit d'une toute petite île de 8 km² qui est constituée par les restes d'un volcan maintenant inactif, même s'il existe quelques fumerolles sur les bords du cratère, au niveau de l'eau :
l'entrée de la caldeira (les ruines de l'ancienne station de pêche sont à droite)
L'île a été habitée à la fin des années 1920 pour des activités de pêche, mais cette activité a été de courte durée car elle a été victime de la grande crise économique de ces années là, ce qui a d'ailleurs conduit à une terrible histoire : les oubliés de l'Ile St Paul
De nos jours l'accès à l'île est très réglementé car elle est devenue une réserve intégrale de biodiversité : en pratique seuls quelques rares scientifiques qui étudient la reconstitution du milieu naturel en l'absence de toute interaction humaine peuvent y accéder de temps en temps, avec des précautions draconiennes pour éviter toute pollution.
A mon retour, j'ai intégré un organisme de recherche dans le domaine des sciences et technologies des matériaux, et y ai occupé divers postes dans le domaine de la R&D puis dans le pilotage de grands projets industriels.
Je suis à la retraite depuis 2022.
Une galerie de photos est accessible sur mon site FLICKR.
NB : un clic gauche de la souris sur chacune des photos permet d'accéder à des informations complémentaires.